Évolution historique

Contexte propice à la venue d’une communauté de Sainte-Croix et préparation de leur arrivée. La localisation du Collège de Saint-Laurent est déterminée par deux facteurs :

  • Échelle de l’île de Montréal (macro) : la structuration du territoire de l’intérieur de l’île de Montréal, alors que le conflit sur l’emplacement de l’église de la paroisse de Saint-Laurent génère son implantation à mi-chemin entre les côtes Notre-Dame-des-Vertus et Saint-Laurent ;
  • Échelle de Saint-Laurent (micro) : la nature marécageuse du sol de la future propriété du Collège le rend difficilement constructible, faisant en sorte que le noyau paroissial se forme au nord, préservant ainsi le terrain vierge de développement jusqu’à l’arrivée des religieux.

La venue d’une communauté de la Congrégation de Sainte-Croix à Saint-Laurent s’explique par deux facteurs :

  • L’arrivée de l’abbé Saint-Germain à Saint-Laurent dans le contexte d’un conflit entre le curé précédent et un groupe d’habitants quant à la localisation du nouveau presbytère ;
  • La piètre situation de l’éducation des jeunes à Saint-Laurent, un dossier dont le curé Saint-Germain s’empare avec la collaboration de Mgr Bourget pour persuader le Père Moreau de dépêcher une communauté enseignante à Saint-Laurent.

La préparation de l’accueil des religieux à Saint-Laurent est effectuée sur deux fronts :

  • Mgr Bourget procède à plusieurs voyages en France et le curé Saint-Germain communique à quelques reprises avec le Père Moreau, supérieur de la Congrégation de Sainte-Croix, pour le convaincre de mandater une communauté à Saint-Laurent ;
  • Le curé Saint-Germain rassemble les ressources matérielles nécessaires pour persuader le Père Moreau d’envoyer un groupe de religieux à Saint-Laurent. Il obtient le lot 404 (34 arpents) en 1837 et en 1841, pour donner un terrain où les enseignants pourront implanter leur institution.

Il acquiert la maison aujourd’hui sise au 696, avenue Sainte-Croix, pour loger les religieux et servir d’école temporaire à leur arrivée, en attendant la construction de l’établissement scolaire sur le lot 404 en face.

Première résidence des religieux (pavillon H), après 1848. © Archives de la Province canadienne de la Congrégation de Sainte-Croix, cote : PD1, 25, 4.1

L’arrivée des religieux de la Congrégation de Sainte-Croix en 1847 à Saint-Laurent est décevante. Ils trouvent des ressources matérielles de piètre qualité à leur disposition : leur maison temporaire n’est pas en état d’accueillir des élèves et le lot 404 qui leur est offert par le curé Saint-Germain est un terrain marécageux difficilement constructible

Premier Collège en 1852.© Archives de la Province canadienne de la Congrégation de Sainte-Croix, cote : PD1, 2.8.

La conciliation entre deux perspectives divergentes de l’instruction canadienne-française catholique conduit à la mise sur pied d’une école modèle à Saint-Laurent, en plus de l’école paroissiale promise. La première constitue l’embryon du Collège de Saint-Laurent. Voici les deux prétentions en question :

  • La persistance de la dualité traditionnelle en éducation catholique (bourgeoise dans les collèges et populaire dans les écoles paroissiales), portée par Mgr Bourget ;
  • Des ambitions académiques de la part des communautés venues de France pour enseigner, pour attirer les jeunes, une approche prônée par les religieux de Sainte-Croix à Saint-Laurent.

Malgré les aspirations de la communauté, le premier bâtiment de l’Académie industrielle, érigé entre 1850 et 1852 sur le terrain donné par le curé Saint-Germain, présente une architecture typique de l’école populaire. Le manque de moyens et l’éloignement de Montréal expliquent possiblement cette situation paradoxale. Le complexe scolaire primitif de l’Académie industrielle est donc orienté vers son adéquation avec l’école de métiers et un mode de vie autarcique :

  • Construction du volume principal en 1850-1852 ;
  • Construction d’une grange, d’une étable et d’un poulailler en 1853 ;
  • Construction de la maison blanche (ateliers) en 1854 ;
  • Aménagement d’un potager.

Le Père Moreau, supérieur de la Congrégation de Sainte-Croix, visite la communauté à Saint-Laurent dans le but d’abandonner la mission et de rapatrier la communauté en France. Cet évènement stimule le développement de l’établissement et le projet d’introduire le cours classique à Saint-Laurent :

  • Aménagement du cimetière des religieux à l’arrière de l’Académie industrielle en 1858 ;
  • Aménagement d’une levée le long du ruisseau et autour du terrain de l’institution pour contrôler les inondations de la propriété en 1858 ;
  • Construction d’un escalier en forme de fer à cheval pour donner accès à l’entrée principale de l’Académie industrielle en 1859.

Collège entre 1873 et 1882. Aile de la chapelle (arrière) construite en 1863-64. À droite, le « collège de brique », construit en 1873.
© Archives de la Province canadienne de la Congrégation de Sainte-Croix, cote : ID337.2.

De l’Académie industrielle au Collège de Saint-Laurent : introduction du cours classique et relation paradoxale avec le Collège Notre-Dame

Malgré l’opposition de Mgr Bourget à l’égard de la formation de nouveaux grands collèges classiques, l’Académie industrielle de Saint-Laurent devient le Collège de Saint-Laurent, dans le sillage de l’introduction du cours classique en 1862. Cette modification stimule une courte période de développement, qui s’inscrit dans le prolongement du dynamisme insufflé par la visite du Père Moreau en 1857. Des constructions et aménagements améliorent les installations du Collège :

  • Construction du caveau en 1861 ;
  • Ajout d’un étage au bâtiment principal en 1862 ;
  • Remblayage du parterre avant et aménagement d’un champ de balle en 1863 ;
  • Construction de l’aile perpendiculaire de la chapelle en 1863-1864 ;
  • Construction du gymnase en 1866[1].

La fondation du Collège Notre-Dame à Côte-des-Neiges par les religieux de Sainte-Croix menace la survie du Collège de Saint-Laurent :

  • Sous des prétextes d’agrandissement et d’isolation d’une partie des élèves pour enrichir leur formation, la fondation du Collège Notre-Dame est principalement effectuée dans une perspective de contrôle régional de l’instruction au nord-ouest de Montréal. Le contexte d’une concurrence entre les communautés religieuses enseignantes en territoire montréalais chapeaute cette situation ;
  • Les nombreuses qualités du site du Collège Notre-Dame font en sorte que la Province canadienne de la Congrégation de Sainte-Croix préfère investir dans leur institution à Côte-des-Neiges plutôt qu’à Saint-Laurent : elle y voit un avenir plus florissant ;
  • Cette instabilité et la dépréciation du Collège de Saint-Laurent aux yeux de la Province canadienne conduisent à l’érection controversée du collège de brique à Saint-Laurent en 1873, dont la construction est une erreur ;
  • L’ajout de la crise financière de la fin des années 1870 à la situation déjà tendue à Saint-Laurent génère plusieurs rumeurs et propositions de déménagement du Collège, qui sont abandonnées.

[1] Certaines sources indiquent 1875 comme année de construction du premier gymnase.

personnage marquants du collège classique

Curé Jean-Baptiste Gaultier dit Saint-Germain

Curé à Saint-Laurent de 1829 à 1863 (décès), il y arrive dans le contexte du conflit entre les paroissiens et le curé précédent sur la localisation du nouveau presbytère. Le curé Saint-Germain mène à terme la reconstruction du presbytère et de l’église, négocie (de 1841 à 1847, en compagnie de Mgr Bourget) l’installation d’une communauté de Sainte-Croix à Saint-Laurent pour y rétablir l’éducation. Le curé Saint-Germain soutient les religieux dans leur mission en leur fournissant leur première résidence à Saint-Laurent et ensuite un terrain sur lequel ils construiront le Collège.

Père Basile Moreau

Fondateur de la Congrégation de Sainte-Croix, en 1837, après la fusion des Frères de Saint-Joseph (fondés en 1820, sous la direction du Père Moreau depuis 1835) et d’une association de prêtres auxiliaires destinés à la pastorale, fondée par le Père Moreau. Il visite la communauté à Saint-Laurent en 1857 dans le but d’abandonner la mission, mais il modifie ses plans après son séjour.

Père Joseph Rézé

Second supérieur de la communauté, il est considéré comme le fondateur de la province de Sainte-Croix au Canada. C’est sous son autorité que le Collège (Académie industrielle à cette époque) est construit en 1852 et que le cours classique est introduit en 1862 (l’Académie devient le Collège). Il quitte Saint-Laurent en 1869, mais reviendra au Québec plus tard et y termine sa vie.

Père Joseph-Célestin Carrier

Scientifique et savant qui accumule une collection impressionnante, à l’origine de la construction de la tour du musée (tour octogonale de l’aile B) pour son musée de sciences naturelles. Il remporte plusieurs prix dans des compétitions d’envergure (dont l’Exposition colombienne universelle de Chicago en 1893).

Père Émile Legault

Père Émile Legault

Fondateur des Compagnons de Saint-Laurent en 1937, une troupe de théâtre significative dans l’histoire théâtrale du Québec, de par son audace à présenter certaines œuvres controversées dans le Québec de Maurice Duplessis.