Découvrir, apprendre et voyager autrement : un projet cinématographique local sous l’angle de la culture haïtienne
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Découvrir, apprendre et voyager autrement : un projet cinématographique local sous l’angle de la culture haïtienne

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*Cette photo a été prise avant le contexte pandémique

Cette année, les projets de groupe prévus à l’international ont été convertis en projets d’internationalisation à domicile. L’objectif de cette série de 3 articles est de faire rayonner des projets d’internationalisation à domicile qui ont eu lieu cette année au sein du Cégep. Au cours de la dernière année, des idées innovantes et inspirantes sur de nouvelles façon d’aborder l’international et l’interculturel ont été développées.

En prenant un peu de recul

En jetant un regard vers cette année scolaire 2020-21 hautement inhabituelle, force est de constater que les humains sont dotés de formidables capacités d’adaptation à plusieurs égards et à plusieurs niveaux. Dans toutes les sphères de la société, beaucoup de choses que nous croyions impossibles ou impensables se sont matérialisées, souvent de manière (presque) organique. Aussi, certaines idées, concepts et expressions élaborées depuis le printemps 2020 pourront nous apparaître relativement bientôt comme étant datées, comme si elles provenaient d’un lointain souvenir ou d’un mauvais rêve. Bien que le concept d’internationalisation à domicile puisse faire sourire au premier regard, et que ces 2 sessions du Projet Haïti ont été faites principalement de compromis et de « c’est mieux que rien », le Département de cinéma et communication peut tirer un bilan somme toute positif de son projet international pour cette année.

Le projet initial reconverti

Le projet Haïti tel que développé cette année a subi plusieurs modifications, principalement dictées par les conditions sanitaires et les directives de la santé publique. Le projet original est un véritable échange aller-retour entre les étudiantes et étudiants du programme Cinéma et communication du cégep de Saint-Laurent et les diplômés de notre école partenaire en Haïti, le Artists Institute de Jacmel, la seule école de cinéma du pays. Nous avons accompagné un groupe d’étudiantes et d’étudiants québécois en Haïti pour le premier volet de l’échange en mars 2017, et avons reçu la visite des jeunes cinéastes haïtiennes et haïtiens à Montréal en mars 2018. Dans les deux cas, les étudiantes et étudiants participants ont été jumelés en équipes mixtes afin de tourner des courts documentaires portant sur un sujet local. Nous devions relancer le projet en 2019 avec un nouveau cycle de voyages aller-retour, mais les problèmes de sécurité liés à l’instabilité politique en Haïti en 2019 puis la Covid en 2020 nous ont malheureusement empêché de poursuivre cet objectif.

Nous avons donc repensé notre projet en mode local, mais en gardant l’aspect pratique et interculturel. Le projet déposé au printemps 2020 consistait donc en une activité de type Kino. Un Kino est un type d’événement de production cinématographique dans lequel les personnes participantes sont jumelées en équipe de manière organisée ou informelle. Les équipes disposent de peu de temps et peu de budget pour réaliser leur film, doivent respecter un certain nombre de contraintes (nombre d’heures de tournage, date de remise fixe) et se voient souvent imposer des thèmes à respecter, ou des éléments obligatoires à intégrer à leurs productions. Nous souhaitions donc organiser un Kino réunissant nos étudiantes et étudiants, des diplômés et des enseignantes et enseignants de notre école partenaire en Haïti maintenant établis à Montréal. Des activités interculturelles préalables au Kino devait permettre à nos étudiantes et étudiants de mieux connaître la communauté haïtienne de Montréal et sa culture. Des contacts avaient aussi été établis avec certains autres partenaires afin de trouver d’autres participants et participantes, entre autres l’Institut National de l’Image et du Son (INIS), via son Programme mixte priorisant les jeunes cinéastes racisés ou issus de l’immigration.

L’automne dernier, nous avons dû revoir la formule en cours de route, les conditions sanitaires ayant été renforcées. L’impossibilité de tenir des activités parascolaires et d’y intégrer des étudiantes et étudiants provenant de l’extérieur du Cégep a achevé notre projet de Kino intégrant des partenaires ou des diplômés de notre école partenaire. Cependant, nous tenions à ce que notre projet conserve une dimension pratique. Nous avons intégré une dimension internationale à certains de nos projets étudiants (évalués) de fin d’année. Des activités interculturelles virtuelles ont été organisées en cours de session pour les personnes participantes inscrites au projet afin de compléter l’expérience.

Un projet en constante construction

Les formes ont donc grandement évolué en cours d’année, mais l’objectif principal est resté le même depuis les tout débuts du Projet Haïti : favoriser la découverte d’Haïti, de la culture et de la diaspora haïtienne chez nos étudiantes et étudiants. Une quinzaine d’étudiantes et étudiants, autant de première que de deuxième année, ont participé aux différentes activités qui se sont divisées en deux volets : le volet pratique et le volet interculturel. Pour le volet pratique, nous avons demandé à nos participants et participantes d’intégrer un « ingrédient haïtien » à leur film de fin de session (sujet, personnage, contexte, décor), un peu à la manière d’un Kino. Un total de 4 projets ont été réalisés en respectant cette idée, et intégrés aux projets de 3 cours différents du programme de cinéma et communication:

  • Un chaos rempli de poésie, documentaire portant sur les origines haïtiennes de la réalisatrice Daphné Cambronne. À noter que le film s’est récemment mérité sa première sélection en festival, ayant été sélectionné pour les Rencontres pancanadiennes du cinéma étudiant, dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma (FNC)
  • En mille morceaux, court-métrage de fiction
  • Un portrait documentaire sur Marjorie Villefranche, directrice de la Maison d’Haïti, et son petit-fils Léo.
  • Reconnaître, un film tourné « À la manière » du cinéaste afro-américain Barry Jenkins

Pour les accompagner dans leurs projets, nous avons fait appel à des spécialistes du milieu du cinéma d’origine haïtienne, qui ont été jumelés aux équipes pour faire du mentorat auprès des étudiantes et étudiants, principalement par le suivi des différentes étapes de leurs projets : scénarisation, tournage, montage.

En plus de « l’ingrédient haïtien » à ajouter à chacun des projets, des activités interculturelles telles que des cours de créole, des repas haïtiens, des rencontres et des projections de courts-métrages ainsi que des échanges sur la situation politique et sociale ont permis de faire un premier contact avec la culture haïtienne.

Que tirer de cette expérience?

Bien que nous ayons rencontré des défis d’organisation pour réussir à établir la formule du projet et le mettre sur les rails, de manière surprenante, les commentaires reçus sur les activités ont été majoritairement très positifs. Les personnes participantes ont été très investies dans le projet, et toujours enthousiastes à participer aux activités proposées. Les invités, intervenants et mentors provenant de la communauté haïtienne ont souligné l’importance de diffuser la culture haïtienne auprès des jeunes et ont salué l’initiative d’un tel projet.

Des éléments pouvant apparaître en premier lieu comme des contraintes liées à la Covid se sont avérés utiles dans le contexte : l’utilisation de Zoom nous a permis de pouvoir faire un tour de moto-taxi par écrans interposés dans les rues de Port-au-Prince avec notre conférencier Étienne Côté-Paluck, et de pouvoir discuter avec la comédienne et cinéaste haïtienne Gessica Geneus en direct du Zimbabwe. De plus, l’apport des mentors et spécialistes a ajouté une dimension et une plus-value aux étudiantes et étudiants du projet, et a été fort appréciée de toutes et tous.

Dans tout projet arrive une étape où on questionne sa pertinence, où on mesure la somme du travail demandé en se demandant si tout ça « en vaut la peine ». Bien que certains aspects du projet aient pu sembler par moments un peu bricolés ou improvisés tant ils ont été repensés et modifiés en cours de route, au final nous sommes globalement satisfaits de l’expérience. Les activités interculturelles vont fort probablement se poursuivre l’an prochain plus ou moins de la même manière, avec davantage d’activités en présentiel si la situation le permet. Quant au volet pratique, nous sommes tentés de proposer de nouveau pour l’an prochain une activité de type Kino qui permettrait d’ouvrir à des personnes d’autres institutions, ou de notre école partenaire.

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